J’ai longuement hésité à écrire quelque chose sur cette expérience. J’ai longuement hésité à le partager ici. J’avais peur de perdre en crédibilité mais c’est aussi une façon de faire de la prévention, de montrer que rien n’est facile avec un chiot, même pour les professionnels, même lorsqu’on connait bien les chiens, même lorsque c’est notre métier. Parce que oui, nous avons beau avoir les connaissances nécessaires, nous sommes humains, avec nos propres peurs, notre propre histoire. Alors, je vous la raconte en toute humilité.
Lorsque je suis sortie de la formation d’éducateur canin, en 2020, je savais que je voulais vivre l’expérience chiot, en mettant en pratique tout ce que j’avais appris et de pouvoir observer son évolution. Arya avait un an à son adoption, elle n’était donc plus chiot. Baloo avait déjà 6 mois à son adoption et un passif compliqué, je n’avais pas les connaissances que j’ai aujourd’hui. Et j’aimerais pouvoir “tout bien faire” avec un autre. Et très égoïstement, je veux “former” un chien qui pourra m’accompagner dans mes rendez-vous, qui saura m’aider avec vos chiens, qui reprendra ce que fait Arya jusqu’à présent, aussi parce que je culpabilise de demander cela à Arya alors que ce n’était pas une attente à son adoption.
Ma vie à ce moment-là ne me le permettait pas : je vivais déjà avec deux chiens, j’avais un emploi de fonctionnaire. Ce n’était pas compatible avec ce que je voulais vivre avec ce chiot. En mai 2024, je pars vivre seule avec Arya. Je suis à 100% sur mon métier d’éducateur canin. Le projet est de nouveau mis sur la table. Mais il me fallait du temps pour moi. Puis, je me suis dit qu’en 2025, je le ferais, j’adopterai un chiot !
Je me suis posée un milliard de questions sur la meilleure façon d’adopter un chiot, tout en restant alignée avec mes valeurs : en élevage, oui mais… à la SPA, oui mais… en association, oui mais… dans une ferme, oui mais…. C’était toujours le même problème, il m’est impossible de choisir de vivre avec un individu pendant 10 à 15 ans sur une simple photo. Alors, oui il y a des éleveurs qui choisissent leur famille en fonction du tempérament du chiot, oui je peux rencontrer le chiot plusieurs fois avant de me décider que ce soit en élevage ou en SPA ou en association, mais c’est toujours différent que de vivre avec. J’ai bien conscience que ce sont mes peurs des mauvaises expériences passées qui me font être aussi prudente dans le choix de mon futur chiot. Alors, j’en ai conclut que la meilleure démarche à faire restait de devenir Famille d’Accueil (FA) pour une association. Je savais que ça allait être une expérience enrichissante pour moi. Juste à ce moment-là, on me parle d’une jeune association, je visite leur Facebook, je me laisse le temps de la réflexion et un soir (27/01/2025), je me lance : je remplis leur formulaire pour être famille d’accueil. Après quelques échanges avec une des membres, où je lui explique mes motivations, me voilà propulser dans le groupe WhatsApp des Familles d’Accueil (01/02).
Cette même journée, une annonce est faite pour trouver une Famille d’Accueil pour un croisé husky de 3 mois et demi. Il est dans le Nord. La photo n’était franchement pas avantageuse pourtant quelque chose m’appelait chez lui. Je ne sais pas quoi, parfois ça ne s’explique pas. Quelqu’un s’est rapidement proposé, quelqu’un dans le département voisin, et je ne me sentais pas encore tout à fait prête…
Quatre jours après, une nouvelle FA était recherchée pour ce bébé chiot, à cause de problèmes de cohabitation avec les chats. Ça tombe bien, je vis sans chat…. Je l’ai pris comme un signe. Je me propose.
Le dimanche 9 février à 12h, je rencontrais cet individu aux yeux bleus. Arya est avec moi.
Il était parfait. J’étais très enthousiaste. Je partageais d’ailleurs nos premières aventures en story. J’ai pu discuter avec la personne chez qui il est né. Il est resté près de sa mère, de son père et de son fratrie, jusqu’à 3 mois – 3 mois et demi. Il vivait avec d’autres chiens. Je n’avais pas encore vécu avec un chien aussi jeune.
J’avais repéré beaucoup de qualités chez lui, notamment en extérieur : il est calme, il est dans l’observation, dans la réflexion et l’analyse.
La vie en société était plutôt nouveau pour lui. Et les capacités dont je parle précédemment l’ont vraiment aidé à mieux l’appréhender.
Et moi, je me suis mise une pression de dingue pour faire au mieux et l’aider à être parfaitement intégré dans notre monde. Tous les jours, il avait le droit à une nouvelle découverte. C’était aussi une façon pour moi de mieux le connaitre. Nous nous sommes baladés dans un parc où il a grogné sur une table de pique-nique et sur une borne rouge d’incendie. Nous avons rencontré des chevaux dans un pré. Nous sommes allés dans une ferme où il a vu des moutons, des poules, etc. Nous avons vu des enfants, des bus etc.
Nous avons aussi vu des chiens. Plutôt timide au début, il reste un chiot qui sait parfaitement communiqué et négocié avec eux.
J’ai donc immédiatement à son arrivée travailler la socialisation et la familiarisation. Et ce que je voyais présager de belles capacités pour un “chien d’éducateur” [bonjour mon ego].
En parallèle de tout ça, Amadeus est mis à l’adoption deux jours avant son arrivée chez moi. Le lendemain de son arrivée chez moi, il m’est annoncé qu’un dossier d’adoption est déposé pour lui. 3 jours après, la prévisite est réalisée ; le jour suivant, il m’est annoncé que l’adoption est validée. Tout est allé très vite, tout est allé trop vite pour moi. La personne n’a jamais vu le chien. Je dois le garder une semaine supplémentaire avant qu’elle puisse venir le récupérer. L’ancienne FA et moi-même avions prévenu que la solitude allait être une difficulté chez lui. Amadeus devait partir samedi et la personne prévoyait de le laisser seul dès le mercredi pendant 4 heures, il dit ne pas pouvoir faire autrement. L’adoption est annulée. Avant la prévisite, j’étais prête à l’adopter. La prévisite étant validée, j’avais commencé à faire mon deuil.
Avec tout ce remue-ménage et le fait qu’Amadeus commençait à davantage se révéler, j’ai passé un moment très désagréable émotionnellement. J’étais embarquée dans un ascenseur émotionnel, dans une espèce de relation toxique de “je t’aime mais je ne te supporte pas et je ne veux pas que tu partes”. C’était vraiment très étrange !
De plus, il me faisait beaucoup penser à Baloo qui ne vit plus avec moi. Et avec le recul, je n’ai pas encore fini mon deuil de lui.
Pour Arya aussi c’était devenu compliqué. C’est elle qui m’a fait prendre la décision de ne pas l’adopter. Je ne veux pas lui imposer n’importe qui, n’importe quoi, elle va sur ses 11 ans. Elle avait beau grogner, il n’entendait pas. Il était déjà plus grand qu’elle physiquement. Il le savait très bien. Elle ne faisait pas le poids. Et un jour, j’ai vu qu’elle se mettait à trembler dès qu’il s’approchait d’elle. Là, ce n’était plus possible, pour elle, pour moi, pour nous mais aussi pour lui. Pourtant, je sais aussi que la présence d’Arya l’a énormément aidé. Quand elle était en balade avec nous, dès qu’elle faisait ses besoins, il faisait aussi. ll la suivait beaucoup, et prenait beaucoup appui sur elle, par exemple avec les chiens de jardin qui aboyaient et qui le terrorisait au point de vouloir faire demi-tour.
En plus, j’étais bloquée pour honorer mes rendez-vous professionnels du fait qu’il paniquait à la moindre séparation avec moi et/ou avec Arya. J’ai du tous les reporter. Et vraiment merci à mes clients pour leur compréhension.
J’annonce à l’association qu’une autre FA doit être trouvée, pour le bien de tous. Au même moment, un jeune couple demandait à l’adopter. Ils sont à côté de chez moi et sont disponibles dès le lendemain pour le récupérer. Amadeus a été en FA chez eux pendant 2 semaines et ils ont décidé de l’adopter.
Après ces 390 heures passées ensemble, 24h sur 24, il me manque, c’est certain. Il a apporté beaucoup à moi, à Arya et à nous deux. Je crois que nous sommes, toutes les deux, bien contentes de nous retrouver.
Depuis, je réfléchis beaucoup.
Alors, oui, peut-être qu’Amadeus n’était pas fait pour moi, pour nous. Il n’est pas non plus arrivé par hasard dans ma vie, dans notre vie.
Avec les quelques mois qui sont passés depuis, je ne prends plus cette expérience comme un échec (ce n’était pas le cas pendant que j’étais dedans et le jour où il est parti). J’ai beaucoup appris grâce à lui. Je suis retournée dans des endroits qui ne plaisent plus à Arya. J’ai discuté avec des gens, des voisins que je n’aurai certainement jamais rencontré. Et il a beaucoup appris grâce à moi : à 4 mois, il est propre et il n’a plus les mêmes appréhensions avec le monde extérieur.
Je l’ai revu, il y a quelques semaines. Il a maintenant 7 mois et c’est un jeune chien parfait. Il n’a plus aucune appréhension avec ce monde d’humains, il est stable émotionnellement, il ne tire pas en balade. Il est sociable.
Cependant, l’expérience remet en question tout mon projet d’accueillir un chiot. Pour le bien-être d’Arya. Pour le mien, suis-je vraiment prête à vivre ça ? Dois-je attendre le grand départ d’Arya ? Ou dois-je continuer mes recherches pour qu’Arya puisse laisser un peu d’elle en un autre individu qui restera près de moi après son grand départ ? Je n’ai pas encore les réponses.
Cette expérience réelle me permet aussi de vous parler de ma prestation de projet adoption car je suis intimement convaincue que cette accompagnement vous aide à prendre les bonnes décisions pour vous et pour votre famille. Accueillir un chien, un chiot, n’est pas si facile. J’ai eu la chance d’avoir eu des conseils avisés et de l’écoute de personnes, professionnelles ou non, qui m’ont permis de leur raconter ce que je vivais, m’ont aidé à verbaliser mes difficultés et à prendre les bonnes décisions. D’ailleurs, merci merci !! Alors, ne restez pas seul face aux difficultés que nous pouvons tous être amenées à rencontrer avec un chiot ou un chien.